Entre-temps

Hypothèses :
jeudi 28 décembre 2006.
 
Lors des créations dédiées à internet et développées sur le site de confettiS.org [« Mazecorp », « Un et Un et Pas de deux », « silence_violence »], ou lors d’installations in-situ réalisées à Bruxelles [« vu_pris », « parcours_urbains »], l’approche cinématographique et théâtrale a toujours été plus ou moins proche de l’axe central de ces réalisations, c’est-à-dire le développement d’un art programmé. Cette relation de proximité et d’éloignement n’a jamais cessé ; elle est à présent un des moteurs de création en réseau distant.


1.Cadre de l’étude.

Jusqu’à il y a peu de temps, le spectateur était placé dans l’obscurité afin que son regard soit attiré par les lumières dirigées en direction de l’acteur ou de l’objet à regarder. Il était convenu que le spectateur n’exprime rien avant la fin du spectacle, qui ne vienne perturber l’œuvre montrée. Lors de ce retrait face à l’action présente nous désirions en silence que naisse une forme « de vie de l’esprit », une activité mentale et sensitive suscitée par les formes données à voir, à entendre [1]. Quelle que fût notre rencontre avec les matières, les couleurs, les musicalités du corps de l’œuvre, nous exigions du spectateur un retrait du monde, l’invitant à être du monde, à participer au monde par ce retrait et le jugement qui l’accompagne, inévitablement.

À présent nous nous sommes éloignés de cet « éloignement du spectateur ». Le théâtre, la danse, les performances, les Arts plastiques nous imbriguent de plus en plus dans leurs critiques et lerus recherches esthétiques, développant des espaces participatifs dédiés aux spectateurs. Ces processus collaboratifs tentent de démystifier et de partager les pratiques artistiques, de créer une œuvre où la notion de l’auteur est plurielle. Alors que les spectateurs sont à présent en pleine lumière, nous parlerons donc « d’auteurS ».

De ces constatations et des questions qu’elles soulèvent sont nées les œuvres présentées sur « confettiS.org », dont « Mazecorp » fait partie. À partir de l’écrit (le code), je pose l’hypothèse de l’existence d’un espace propice à la rencontre entre les Arts plastiques, les Arts numériques et les Arts de la scène (théâtre) et du plateau (cinéma) ; je caractérise cet espace comme propice au basculement du temps, dont la forme la plus populaire est le tango. Pour réaliser cette recherche esthétique, je considère que l’ordinateur est l’acteur qui interpréte le scénario écrit et programmé par un auteur ; l’écran est la scène où se joue l’histoire interprétée par l’acteur numérique et le spectateur actif. Le clavier et la souris sont les outils qui permettent au spectateur actif d’entrer en scène, de séquencer dynamiquement les éléments constituant l’histoire suivant un ordre de déroulement. En ce sens, le spectateur est aussi un auteur puisqu’il choisi l’ordonnancement des événements de l’histoire. Il emprunte le rôle du monteur de film, ou de metteur en scène. Mais il est l’auteur second que l’auteur premier - le réalisateur et/ou le scénariste - encadre dans un choix de scènes préétablies par le code.

2.Mazecorp.

Le travail intitulé « Mazecorp » est une œuvre labyrindique, orientée vers les relations possibles entre cinéma, poésie et réseau distant.

Le labyrinthe est un espace ouvert sur une seule sortie possible. Toute tentative d’échapper à l’architecture ramène le spectateur sur ses pas, accentuant la découverte de la perte de repère dans un monde concentrationnaire. Les codes [2] et les supports sont non seulement, ce qui suscite la mise en relation, mais ce qui lie effectivement dans un mouvement renvoyant de l’un à l’autre : l’objet de lecture, le lecteur, le moyen de la lecture. Les évènements programmés mettent en relation l’écriture et la lecture. Lorsque le lecteur actionne le dispositif de lecture, il reprend l’écriture là où l’auteur semble l’avoir interrompue, donnant des interprétations, des lectures anticipées par l’auteur. L’auteur trace, par le code, de possibles parcours de lecture, interprétés différemment selon la plate-forme que le lecteur active.

Le labyrinthe est divisé en quatre temps : « à présent - une arrestation - au matin - une mémoire ». Chaque temps est divisé en poèmes cinématographiques. Ces poèmes et ces temps sont les réalités d’une « arrestation arbitraire ». Celle du photographe dont les photographies sont les éléments de l’histoire de « Mazecorp », celle du poète dont les vers sont présentés comme les dialogues d’un film réduit au silence, et surtout celle commise par les forces de l’ordre sur tout être humain qui contrevient à la loi. En l’occurrence, « Mazecorp » est un hommage à Sémira Adamu exécutée par les forces de l’ordre en Belgique, le mardi 22 septembre 1998. Bien plus que de relater cette histoire tragique, je désire que le spectateur découvre par lui-même, lors de son parcours programmé, les caractères essentiels de l’histoire de Sémira Adamu : l’enfermement et la perte.

En ce sens, le langage propriétaire flash-shockwave me semble correspondre aux caractères de cette histoire. En effet, lors de la lecture des scènes aucun code source n’est accessible. Dès lors, même pour le spectateur averti aucune échappatoire n’est possible. Si la perte et l’enferment le submerge, Il ne peut que quitter la scène, s’exposant ainsi, lors d’une prochaine lecture à recommencer son cheminement à partir de zéro. Les raisons qui m’ont incité à choisir ce langage propriétaire sont ainsi en corrélation avec les hypothèses d’écriture : l’avantage de disposer de la possibilité d’écrire et de proposer des écritures au montage, la limite de devoir disposer d’un lecteur de code pour participer à l’œuvre.

Ici, comme pour les autres travaux présentés sur confettiS.org, je sollicite la collaboration du spectateur, en lui proposant d’envoyer un texte et/ou une photographie. J’assemble le texte et l’image en choisissant le rythme, la temporalité qui mettra en relation le texte avec l’image ; ensuite je le propose à nouveau au spectateur. Dans le soucis de proposer une pluralité d’auteurs, je désire que le spectateur prenne une part de plus en plus grande dans les processus d’écriture, et ainsi tenter de disparaître en réduisant l’espace de création de l’auteur premier. Dans cette tentative utopique de disparition de l’auteur, tout langage propriétaire est une limite à la réalisation de cette hypothèse. Dès lors, puisqu’il s’agit des processus d’écriture, j’ai cherché un logiciel de montage d’animations vectorielles, dont les sources auraient été accessibles librement dès la lecture. Ceci afin de permettre au plus grand nombre de spectateur de participer à la création du rythme et donc de la temporalité de l’œuvre.

A ce jour, je n’ai pas trouvé de tel logiciel. Seul le format SVG distribué par Adobe, associé au langage SMILE et selon les nécessité, au langage javascript permet de créer des animations visuelles et interactives. Même si ces codes sont accessibles par l’apprentissage, il n’est pas permis à tout spectateur de les apprendre ou de les connaître, donc de les maîtriser. Je vous propose d’aller au-delà de « Mazecorp » des caractères d’enfermement et de perte de repère. Par exemple, lors de la création de « Day Blog LycéeS » [3] » avec les étudiants du lycée Alphonse Daudet de Tarascon, la contrainte d’un logiciel propriétaire nous est apparue comme une question centrale, tant par la code que par le coût d’achat d’un tel logiciel. A présent, nous sommes confrontés à la création d’un outil d’écriture dont le code source serait librement accessible à qui le veut. Cet outil serait dédié à l’éducation, les informations relatives à la création de cet outil seraient partagées entre ses développeurs et les utilisateurs, suivant leurs degrés de connaissance des langages utilisés pour la réalisation de l’œuvre. Je profite de cette présentation et de cet article pour vous faire part de ce projet, et pour vous appeler à y participer activement.

Xavier Leton


[1] « Theathai, le mot grec qui signifie spectateur a donné, par la suite, le terme philosophique « théorie » et « théorique », il y a quelques centaines d’années, voulait dire « qui contemple » regarde quelque chose de l’extérieur, d’un endroit comportant un point de vue caché à ceux qui font partie du spectacle et le rendent réel ». Hannah Arendt. In « la vie de l’esprit 1 la pensée, trad. Lucienne Lotringer. PUF, 1981. p. 111 »

[2] Codes informatiques utilisés : html, java script, shockwave_flash (plug-in nécessaire : MacromediaFlash)

[3] « Day Blogue LycéeS » : Réalisé par les étudiants du lycée Alphonse Daudet de Tarascon, lors des ateliers de pratiques artistiques ; projet initié par Madame Régine Chiesa ; et réaliser par Xavier Leton (confettiS.org) en collaboration avec les étudiant[e]s.

Objectif : Le projet de cet atelier consiste en la réalisation d’un "Blogue" (définition sur le site) constitué de textes et d’images, reflétant une journée de cours vue par un[e] élève. Par extension, nous ouvrons ce projet aux professeurs, aux personnels participants à la vie quotidienne de l’établissement scolaire, ainsi qu’aux autres établissements scolaires désireux de développer un projet artistique et éducatif. A partir de leur réalisation nous leur proposons d’imaginer et de réaliser « quel serait le lycée, l’enseignement, idéal concernant l’accès à la connaissance et à sa démocratisiation ? ».

Ce projet est soutenu et présenté dans « les cahiers de l’ingénerie éducative » (CNDP cahier n°45. article d’Evelyne Broudoux. Article intitulé : "Je blogue, tu blogues, nous bloguons. Du carnet individuel à l’écriture collective".

Par l’association « Les Têtes de l’Art », (Marseille).

Par NetDays.

Par l’academie d’Aix-Marseille

Day Blogue lycée[S] est réalisé grâce à : Madame Regine Chiesa (professeur d’arts plastiques au lycée A.Daudet de Tarascon), Madame Mittaine (proviseur du lycée A.Daudet de Tarascon), Mmes Lazennec et Mauron de la DAAC, La DRAC PACA., Lise Bobbia, Fabrice Perez, Lucie Lefevre, Aurélien Fravallo, Fiona Randez



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