Une esthétique du tragique

lundi 20 février 2006.
 


La conscience tragique est déchirée, divisée contre elle-même, ce qu’elle révèle, c’est un sens qui n’est pas fixé, qui tourne et se transforme en son contraire : l’esthétique du numérique, de l’art numérique, de l’art média comme disent les anglo-saxons, est une esthétique tragique. Elle exprime une tension dans le temps où l’homme, ses perceptions et ses actions se profilent non comme des essences définissables à la façon des philosophes, mais comme des des énigmes dont les doubles sens restent sans cesse à déchiffrer : des « mondes flottants ». L’ars numérique est le premier genre artistique qui place son public au carrefour d’une décision engageant ses perceptions, non pour souligner dans sa personne les aspects d’agent, autonome et responsable mais pour l’agir en tant qu’être déroutant, contradictoire, incompréhensible : agent-agi, coupable-innocent, lucide autant qu’aveugle. L’art numérique se bâtit sur cette tension des différences. Très contextuel, il utilise plus qu’aucun autre, l’ambiguïté et l’équivoque : pour les différents protagonistes, les mêmes manifestations prennent des significations contraires. Cet aspect conflictuel demeure dominant aussi longtemps que l’œuvre fonctionne. L’esthétique du « média art » réintroduit la dimension tragique dans l’art en mettant son spectateur dans une tension insoluble vis à vis du temps, dont il met en évidence l’irréversibilité : l’œuvre est éphémère dans ses manifestations et, obéissant à des temps non-humains, se veut éternelle dans ses possibles. Il y a ainsi sans cesse recours au manque, au trop plein, au vide, à l’entropie, à la part maudite des activités humaines. Faute de temps, je ne me permettrai ici que quelques développements. Présence/absence L’art numérique repose sur la digitalisation, traitement symbolique, par lequel s’origine sur une rupture : il est un art sans matière. Cela ne signifie nullement que dans ses manifestations de surface il se réalise hors de toute matière, puisqu’il est mémorisé sur des supports matériels et doit, pour s’actualiser, investir celle de divers espaces - écrans, environnements, volumes, mais la dématérialisation de l’art numérique signale essentiellement que, dans ses fondations, toute ses créations sont d’abord pensées en-dehors d’un rapport pragmatique à la matière, qu’il ne prend définitivement forme que dans un simulacre : l’art numérique est un moment simulé d’une matière absente. Perceptibilités potentielles La perceptibilité de l’œuvre numérique est ainsi potentielle, elle constitue, « une réserve numérique de virtualités sensorielles et informationnelles qui ne s’actualisent que dans l’interaction avec des humains »(P.Lévy,Cyberculture, p.173). Par là même, l’œuvre numérique ne dépend jamais directement de ses perceptibilités qui peuvent revêtir des formes multiples mais qui ne sont que des surfaces sous lesquelles le public ignore ce qui se dissimule réellement. La modélisation est à la base même de l’art numérique : dans un système d’expression dont la matière n’est qu’information, se conçoit un objet sans forme ou qui, plus exactement, est capable de les revêtir toutes. Un objet dont la forme est une symbolisation de la forme. Multiplicité L’œuvre est potentiellement multiple, virtuelle, sans place. Du coup, n’étant assignée à nulle place, elle peut, les investir toutes. Aussi, pour la première fois dans l’histoire de la création humaine, une œuvre peut se manifester simultanément et de la même façon, sans pertes, sur tous les points de la planète. Cette situation n’est pas sans interroger la notion même de culture, donc celles d’universel et de totalité. Ubiquité L’ensemble des œuvres se présente simultanément, sans altérations sur tous les points de la planète, leurs manifestations sont donc susceptibles de faire événement pour l’ensemble de la communauté dont elles réorganisent sans cesse les paysages de sens, participant de la figure du rhizome chère à Deleuze et Guattari : l’œuvre numérique peut se répandre et se reproduire par diffusion sur l’ensemble des nœuds auxquels elle accède. Il n’est donc pas étonnant que le réseau en soit l’espace naturel de déploiement et de visée. Théoriquement même, le réseau pourrait ne devenir lui-même qu’une seule œuvre d’art. Potentialités sensorielles multiples l’hypermédia réalise le vieux rêve de « trop plein » de l’art total : il unifie ce qui était jusque là séparé, convoque à partir d’un centre moteur unique en un même lieu la potentialité d’investissements sensoriels multiples dans la fusion et l’interopérabilité. Dans l’art média, le son est, de façon circulaire, une composante du texte comme le texte est une composante de l’image... Plus précisément même, parce que ces manifestations sensorielles diversifiées ne sont rien de plus que des codifications différentes de données digitales uniformes, « le son - pour parodier Gertrude Stein - est le texte est l’image est la musique est le mouvement est le son est l’image est... » et l’odeur et la pensée directe. Jeu avec les « apparences » La matière de l’image numérique est une matière théorique qui refuse à se figer. car elle sait, qu’elle ne peut que jouer avec son apparence. La matière de l’image numérique est doublement construite, tout d’abord par son concepteur obligé à des manipulations théoriques, par son lecteur ensuite confronté à des illusions de matière qui s’affichent et qu’il ne peut plus lire qu’à travers cette convention qu’il accepte ou rejette : l’image numérique met sans cesse à l’épreuve la coopérativité perceptive, la confiance primordiale que le spectateur accorde au message proposé. L’art est ici mimésis, imitation pleinement consciente d’elle-même, mais se situe au-delà de la mimésis : de la conscience de l’imitation, il lui faut obligatoirement passer à sa conceptualisation, c’est-à-dire à la construction raisonnée de cette conscience. Art-concept L’art numérique est un art-concept, non un art conceptuel qui s’envisage d’abord par le biais du discours qui le porte, mais un art reposant sur l’analyse conceptuelle des systèmes de signes qu’il propose comme objets. L’art numérique est un art du modèle au sens mathématique du terme. Pour parvenir à l’objectivation, il lui est indispensable d’en concevoir une abstraction formelle, d’où découleront toutes ses possibilités. L’œuvre propose une source d’objectivations possibles, un principe d’actualisations sans fin dont toutes sont conceptuellement inscrites dans un modèle non idéel mais formel, calculable, opératoire : ce modèle pouvant être décrit dans un langage formel externe à son objet propre. Principe qui comporte la tentation de régression à l’infini : un modèle peut toujours être pris comme concept par un métamodèle de niveau supérieur. Deux univers virtuels peuvent rester inaccessibles l’un à l’autre à moins qu’un modèle de niveau supérieur ne définisse leurs possibilités de relations. La carte n’est jamais le territoire, le modèle n’épuise jamais l’objet qu’il modélise. Répétitions Modèle et moule sont la matérialisation de concepts d’objets destinés à leur production en série. Si, selon Gilles Deleuze, « la répétition se dit d’éléments qui sont réellement distincts et qui, pourtant, ont strictement le même concept » (Différence et répétition, p.26), la fonctionnalité de l’art numérique est, d’abord, d’ouvrir sur la répétition. Ce qui est en jeu c’est la distance entre surface et concept. Le créateur qui origine un concept d’œuvre ne peut maîtriser la totalité des paramètres qui conduiront à l’œuvre elle-même, il travaille sur une idée d’œuvre mais d’une œuvre qu’il ne veut justement pas réaliser directement parce que, ce qui l’intéresse, ce sont les rapports à ses concepts. Les représentations de l’art numérique exigent de ne pas être fixes, faute de quoi elles ne sont plus que de pales imitations d’œuvres, au mieux supports d’archivage. Aussi la prévisibilité incontournable du modèle se heurte-t-elle à la nécessaire introduction d’un imprévisible. Sans cela, sans une dose paradoxale d’aléatoire, l’art numérique n’a guère de sens. Une œuvre numérique définitive et fixe comme une sérigraphie ou un monotype est contradictoire avec la matière même qu’elle travaille c’est-à-dire en partie le temps, en partie l’espace, en partie le système de signes lui-même. Dans cette optique, ce qui est le plus productif, ce n’est la répétition du même, mais celle de l’identique qui, sous les rappels de l’égalité, exemplifie l’inégalité. L’œuvre numérique est ouverte à la construction du différent au travers des reprises du même : « Si la répétition existe, dit Deleuze, elle exprime à la fois une singularité contre le général, une universalité contre le particulier, un remarquable contre l’ordinaire, une instantanéité contre la variation, une éternité contre la permanence. A tous égards, la répétition, c’est la transgression. » (Différence et répétition, p.9). Jeu du même et du différent C’est au travers de ces variations dynamiques sur le même et le différent que l’art numérique agit sur l’esprit qui le perçoit. Dans les modèles du numérique temps et aléatoire occupent une place privilégiée. L’aléatoire, parce qu’il est à l’opposé de la modélisation formelle, est ainsi peut-être la manifestation la plus évidente du simulacre généré par le modèle. Dans ce cadre, le problème de la reproduction ne se pose donc plus puisque chaque instant de la production est, en soi, une re-production. Il ne peut y avoir de copies. Le multiple du numérique est un multiple du semblable sous la différence. Ce que le spectateur perçoit, c’est le rythme, la sémantisation du même et du différent. Cette nécessité de la variation trouve son exemplification dans la notion de génération : une œuvre générative est une œuvre qui, chaque fois, se re-produit identique et chaque fois, au niveau de son actualisation, s’affiche différente : mondes virtuels, vies artificielles, vies évolutives, intelligence artificielle sont de cet ordre qui proposent des mondes capables de générer des situations nouvelles correspondantes à ces imprévus. Comme la recherche du trop plein au plus près du vide. Dans l’œuvre numérique, c’est à l’œuvre que le dernier mot revient car, une fois ses manifestations mises en branle, l’auteur, à moins de modifier son modèle, se trouve en position de lecteur qui ne peut plus modifier le résultat en train de s’actualiser. Ce à quoi il assiste alors, c’est à quelque chose comme l’objectivation de sa visée idéelle de l’œuvre. Processus L’œuvre d’art numérique est une œuvre de processus qui intègre le temps et le contexte comme composantes fondamentales de son expression. A la conception fractale de l’œuvre d’art dont la figure emblématique est la structure, c’est-à-dire, la conception d’une forme esthétique comme reprises déterministes d’éléments fixes fortement architecturés, l’œuvre substitue le chaos dans son acception physique c’est-à-dire la possibilité permanent de divergences locales rendant totalement imprévisible le résultat définitif d’un processus complexe. Il y a peut-être cette prétention démiurgique au fond de toute œuvre d’art numérique : simuler les processus vitaux. L’artiste numérique est celui qui formalise des mondes. Non pas parce que son imaginaire différent de celui de ses prédécesseurs est plus globalisant, mais parce que ce qu’il met en œuvre, ce sont des possibilités d’interactions dans des systèmes donnant parfois l’impression d’être autonomes. L’œuvre numérique informe l’information et ce qu’elle pointe ainsi c’est la tentation de l’infini. Au risque de l’événement Peut-être plus que la tentation de créer la vie, formule quelque peu prétentieuse dans sa vacuité, l’art numérique tend davantage à conceptualiser le couple du risque et du jeu. Fascination du temps réel : l’art numérique est un art assume le risque de l’événement. Tout comme à la télévision, l’œuvre se produit en direct et c’est à cette production que le spectateur assiste. La réalité du temps fait partie de la mise en œuvre. L’œuvre numérique tend au mouvement perpétuel dans lequel textes, musiques et images entre simulacre et simulation, se reconfigurent sans cesse : l’œuvre numérique est avant tout spectaculaire. Mais, parce qu’il peut s’actualiser en des lieux très divers, et sous des modalités variées de simultanéité, de proximité et de distance, c’est un spectaculaire sans scène. Le centre est ici partout, la scène est le monde. Un écran électronique n’étant lui-même rien d’autre que la peau visible d’une infinité d’autres écrans, l’œuvre numérique a, par nature, le don d’ubiquité. D’une certaine façon, elle vise ainsi à cerner son spectateur, à l’immerger dans une universalité créatrice où « l’observateur fait partie du simulacre lui-même » (Deleuze, Différence et répétition). Comme chacun sait le degré d’attention est proportionnel au degré d’immersion, plus le spectateur est dans l’œuvre plus il est occupé de l’œuvre. Internet, par exemple, est un mode de communication tous-tous, chacun peut y occuper alternativement tous les rôles et le nombre très élevé de site de création montre le déplacement en cours. Mettre en scène une œuvre numérique est se poser cette question : comment l’œuvre doit-elle construire et intégrer son spectateur ? Hors mondes Questions fondamentales de l’interaction et de l’interactivité. L’œuvre est avant tout un ensemble de variables mathématiques. Par là même, elle est accessible à n’importe quel autre ensemble de variables mathématiques qui lui sont homogènes. Ainsi deux œuvres peuvent interagir. Il suffit pour cela qu’une partie des variables qui les constituent l’une et l’autre soit cohérente. Leurs interactions construisent alors une œuvre nouvelle. L’œuvre s’ouvre ainsi à un immense univers de collaborations permettant de lui intégrer - comme partie réellement prenante - quelques un des paramètres formalisables de ses contextes : l’œuvre numérique tend à absorber le monde dans lequel elle se produit. Ouverte à des calculs, construite sur des modèles, elle est spontanément disponible pour l’échange. Nombre d’œuvres sont ainsi bardées de capteurs qui influent sur leur comportement : lumière, température, bruits, présence de spectateurs, etc. Spectateur L’œuvre numérique a la volonté de construire un spectateur théorique, un spectateur qui fait partie d’elle-même. Ce n’est qu’une question de paramétrages : il suffit en effet pour cela d’introduire dans les variables de son modèle un modèle de spectateur or modéliser un spectateur n’est en rien une position théorique, c’est une position concrète de formalisation qui signifie sous la description de quels paramètres formels la présence de ce spectateur va être intégrée dans le modèle mathématique de l’œuvre. L’interactivité construite est toujours une interactivité déceptive. L’œuvre se joue de ce spectateur qu’elle intègre pourtant dans ses paramètres. L’interactivité est un jeu de chat et de la souris où l’auteur jouant avec son spectateur se donne le droit absolu de se moquer de lui. Le spectateur interactif n’est pas externe à l’œuvre mais, élément du modèle comme un autre, il est pensé et construit par elle. Toute autre interactivité est une interactivité alibi puisqu’elle laisse croire à son spectateur qu’il possède une maîtrise sur l’œuvre alors qu’il ne possède que la maîtrise que le concepteur du modèle veut bien lui déléguer. Même la réalité virtuelle est une réalité jouée. Entropies L’œuvre numérique, n’est pas fixe, elle est construite pour, des changements constants. La tentation est alors grande de croire qu’il y a entre les changements de l’œuvre et ses lectures une relation différente. Pourtant l’interactivité n’ouvre en aucune façon sur une modification profonde de l’œuvre mais uniquement sur des choix dans les indéterminations visibles et autorisées du modèle. Si les pas d’un danseur modifient la musique, si les mouvements des spectateurs modifient les projections d’une installation, c’est uniquement dans la mesure où le modèle de la musique inscrit les pas de ce danseur dans ses paramètres, que celui de l’installation intègre les déplacements, et que, à ce niveau, l’auteur a décidé de laisser une latitude de choix tout en déterminant ses bornes. Contrairement à ce que l’on entend souvent affirmer, il n’y a pas de confusion des rôles : le lecteur ne devient pas auteur et il n’y a pas conception collective de l’œuvre. Expérimentation Aussi, ce à quoi, dans ses reprises, ses différences et ses répétitions, invite l’art numérique, c’est à l’expérimentation. Non l’expérience, mais l’expérimentation., c’est-à-dire la capacité à faire à partir de l’observation de la répétition une épreuve sélective constructrice de liberté. Si l’œuvre numérique incite son spectateur à agir sur elle, ce n’est pas pour lui donner l’impression qu’il a le pouvoir, qu’il est l’autorité, l’auteur à la place de l’auteur, mais c’est parce que, à travers des variations produites sur la surface de ses productions par la répétition sur la surface de ses productions, s’offre la seule possibilité de pénétrer le système esthétique de l’œuvre, de saisir comment elle fonctionne et, dans ce cas particulier, comment elle se construit. Donc ce qu’elle signifie, sur quels problèmes elle ouvre, comment elle modifie les rapports de l’art et du monde. L’art numérique ne cherche pas à ouvrir sur une illusion dérisoire de pratique, il ne dit jamais à son spectateur de se mettre en position de production, mais, par la mise en avant de l’expérimentation il l’invite à essayer de comprendre de l’intérieur la démarche conceptuelle qu’il a été amené à construire. L’œuvre numérique arrêtée est un objet quelconque D’abord, ce qu’il propose c’est l’expérimentation, non l’expérience. La différence est considérable. Éminemment contextuelle, donc tournée vers l’installation et la performance, l’expérimentation ne peut se produire que dans le contexte même pour lequel elle a été prévue ; ce qui compte c’est le processus, non l’objet qui, un temps, porte la matérialisation de ce processus. Et de cela il ne reste rien. Il y a, bien sûr, toujours la possibilité de mémoriser la trace du processus, d’en prendre un cliché ou d’en faire un enregistrement, mais rien de plus déceptif car l’œuvre numérique arrêtée n’est plus qu’un objet quelconque relevant d’une toute autre approche esthétique : une bande vidéo, encore moins une photographie, du Messager de Catherine Ikam et Jean-Baptiste Barrière par exemple, ne peuvent en aucun cas rendre compte de la situation que crée l’interaction entre le spectateur, le visage du messager ainsi que des modifications de la musique avec les déplacements du spectateur : de tout ce qu’il expérimente. Ne peut donc rester que ce qui demeure dans la construction individuelle d’une mémoire critique. Perversité des jeux En ce sens, il est de l’ordre du jeu tragique : le bon joueur est celui qui intériorise les règles, non celui qui conçoit de nouveaux jeux, il est celui qui s’est tellement imprégné des règles du jeu auquel il participe que ce jeu est devenu comme une part de lui-même. Si le plaisir esthétique est une expérience vécue au travers de la médiation d’un objet, alors, parce que cette expérience peut être indéfiniment renouvelée, la conservation de l’objet, que ce soit dans l’appropriation privée ou collective, est indispensable. Ce que, oblitérant un changement permanent des relations historiques à ce que l’on appelle aujourd’hui l’objet d’art, disent aujourd’hui les musées c’est, sans aucun doute, venez vivre devant les objets que nous conservons, dans les conditions que nous essayons de rendre optimales, les expériences esthétiques que tant d’autres, avant vous, ont vécu. L’expérience n’est pas transmissible, mais elle est reproductible. L’investissement marchand de l’œuvre ne se justifie pas autrement : l’objet est cher parce qu’il est unique et irremplaçable, l’expérience à laquelle il ouvre ne peut pas être faite autrement. Cet objet est ainsi économiquement intéressant parce que cette expérience, renouvelable par tout un chacun, est susceptible de produire des retours sur investissement. D’autant plus que, même si le rapport à l’original est incomparable, une expérience approchante peut être également vécue devant une bonne copie de l’objet comme en témoigne la multiplication de lieux fragiles virtuels - la grotte de Lascaux, par exemple. L’art numérique complique quelque peu les règles de ce jeu. Jeu à la vie et à la mort L’œuvre numérique n’est plus dans l’objet mais dans les possibilités du processus que permettent les objets, l’avoir a moins d’importance que le saisir. Le produire n’est plus dans le reproduire mais dans le re-produire : aujourd’hui l’œuvre d’art numérique cherche à provoquer l’expérimentation d’événements toujours recommencés dont l’individu est seul à pouvoir conserver les traces. L’art numérique joue avec sa vie et sa mort. Il y a ainsi en luiquelque chose du rapport amoureux, de l’ordre de l’orgasmatique : ça se produit ou ça ne se produit pas mais de toutes façons ce ne sera plus jamais possible de la même façon et ce ne sera jamais pa


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