Ébauche de quelques notes sur la forme programmée

jeudi 3 février 2005.
 


Ébauche de quelques notes sur la forme programmée

Ce qui semble caractériser Transitoire Observable actuellement, n’est pas tant une réflexion sur la forme programmée qu’une mise en situation particulière et paradoxale du lecteur, antithétique de la position de « l’utilisateur roi » que lui confère la philosophie de l’hypertexte. Cette situation atteint son apogée dans l’esthétique de la frustration qui positionne le lecteur dans son altérité et sa différence, la difficulté de communication avec l’auteur étant un indice de cette différence. Une telle esthétique ne peut toutefois être appréhendée que dans l’hypothèse où la forme ne se limite pas à une simple forme des apparences. Afin de nous donner une accroche pour penser l’esthétique en ces termes, définissons, provisoirement peut-être, la forme comme un arrêt du temps, plus exactement comme une catégorisation (gestalt) d’un espace explorable par le lecteur. J’utilise ici la notion de lecteur comme archétype de tout « observateur » d’une forme. La définition proposée n’est pas de nature esthétique mais de nature cognitive. Elle ne présuppose pas l’existence d’une forme qui s’imposerait à tous mais elle énonce une conception dans laquelle la forme est un construit individuel, même s’il peut s’appuyer sur une base culturelle commune qui lui donne parfois une certaine universalité. Elle énonce aussi que la forme est le résultat d’une opération cognitive opérant sur une perception, qu’elle est fondamentalement une propriété construite de l’observable, une propriété liée à un mode de connaissance de cet observable. Elle énonce enfin sa dimension intemporelle, car catégorisation, même si le percept sur lequel se forge la forme est un percept temporel. « la pause » temporelle sur laquelle s’organise l’exploration peut être réelle ou construite par l’imaginaire, elle n’en demeure pas moins un arrêt du temps. Cet espace explorable par le lecteur est donc un lieu sur lequel le temps n’a plus court : son parcourt est reproductible, indépendant du temps. Pas de forme non reproductible. On peut ainsi définir une ou des formes dans le transitoire observable, dans le programme en tant que structure langagière, dans l’algorithme du programme en tant que structure logique mais pas dans le processus physique d’exécution qui transforme le programme en transitoire observable. Le processus génératif du transitoire observable échappe ainsi à la forme. Transitoire Observable utilise la forme pour englober, voire encapsuler esthétiquement ce processus, rendant la forme du transitoire observable imprévisible bien que forme. Algorithme, programme, transitoire observables sont formes mais le processus génératif interdit de les considérer comme des parties distinctes d’une forme englobante qui s’appliquerait sur l’ensemble du dispositif de l’œuvre. Ces formes sont en relations non causales, elles échappent globalement à un pattern même si, à chaque niveau perceptif, elles constituent des patterns. La forme TO, se niant ainsi en se construisant, me semble ouvrir de nouvelles perspectives sur des formes en déséquilibre qui n’existent que dans la dynamique qu’elles déploient pour se construire et sont détruites dès lors que cette dynamique se fige en formes. Une telle dynamique est invisible. Elle ne laisse percevoir que son produit ultime, le transitoire observable, produit mouvant, contrairement à la forme classique. La forme TO est ainsi construite sur (l’utopie ?) du dépassement de la forme par la forme, la forme comme métaphore de la vie, donc du perfectible, donc de l’imperfection, au contraire de la forme classique qui vise la perfection. La forme TO n’est pas dans le grand Tout mais dans le grand Jet. Si nous revenons à la définition cognitive proposée et qui semble adaptée à la forme classique, nous constatons qu’elle ne semble pas convenir à la forme TO. La forme TO résiderait dans la mise en œuvre de modalités de la catégorisation, donc dans le contexte des formes classiques, dans ce qui permet l’émergence de la forme. Ces modalités englobent tout à la fois formes classiques et processus, causes (les processus) et effets (les formes classiques).



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